Voici une participation rendue en retard (et donc non comptabilisée) à un concours de récits sur le warfo ; le thème étant "Crépuscule".
Précisons que le crépuscule, outre son sens métaphorique qui n'est qu'évoqué ici, est certes le moment — et plus particulièrement la lumière — qui précède la nuit mais aussi, dans son ancien sens, celle qui précède le jour — et oui, crépuscule peut être synonyme d'aube.
C'est histoire de pouvoir comprendre le rapport au thème que je développe rapidement cela.
Nuit et jour parfois rivalisent d’obscurité et sous un soleil maladif, des heures durant, la mort avait plané sur les soldats des deux camps : désormais que l’astre silencieux se retirait et que les combattants se repliaient de part et d’autre des murs de la cité, elle pouvait se repaître férocement, en immonde charognard, des corps encore chauds que nul n’avait songé à emporter.
Les Démons avaient festoyé tout le jour, jouissant sauvagement des jeux funestes des humains qui s’étripaient sans trop savoir pourquoi et quittaient repus la scène sanglante tandis que la dernière lumière qui l’éclairait s’éclipsait à l’ouest, laissant la nuit recouvrir d’un sobre linceul les cadavres gisants des infortunés acteurs.
Quand enfin mourut la lueur vespérale, il ne resta plus qu’un vent froid battant les défunts comme un râle troublant le silence nocturne. Anonymes, oubliés, égaux face au trépas, parés à attendre leur jugement, à accomplir une morne traversée ou à festoyer dans de vastes palais, on aurait pu croire à une pantomime désabusée de la part de ces charognes abandonnées à mesure que l’astre nocturne, au fil de sa progression quotidienne, les illuminait tour à tour comme ressentant, l’absurde pièce terminée, la nécessité de cet hommage posthume.
Adieu le vent, adieu la vie, les rires et les chants, les femmes, les amis ; le rideau descendit lentement avec la lune mais nul autre applaudissement ne résonna dans la nuit que ceux des Démons.
Là, à l’Est, le crépuscule ! Ah, je les entends qui reviennent, les mêmes pas en cadence, quoique fatigués, les mêmes cris guerriers, certes peu convaincus. Et encore ces sinistres Démons qui reviennent, toujours affamés de vie, de sang, d’espoir. Que les dieux sont cruels.