Si on écrit un récit complet, ca pose un problème ?
(parce que c'est ce que j'ai fait )Edit : de toute façon, ce qui est fait est fait.
Voilà la bête ^^
Thrace, 625 ap. J.C. Via Egnatia
“ Bucellaires, halte !”
Les gardes du corps bardés de fer se dispersèrent le long de la crête, se ralliant aux étendards des centuries. Maniant leurs pur-sang d'une main exercée, ils se rangèrent de part et d'autres de la Voie, laissant le chemin libre pour le passage de l'
Archegetes. Ce dernier remonta bien vite la ligne au côté des membres de sa maison, précédé par l'icône sacrée de la Vierge Miraculeuse.
Légèrement étonné de ce brusque arrêt, Kalokyros avisa rapidement l'officier responsable de cette halte impromptue. Ce dernier, un vieux guerrier à la barbe grisonnante, gorgerin de mailles relâché, salua sommairement le noble et se signa devant l'icône.
“Archegetes...”
Mais déjà, Kalokyros avait avisé le contre-bas de la crète. Son regard s'assombrit devant le massacre perpétré à moins d'une cinquantaine de lieux de la capitale.
Un bon millier de cavaliers avaient envahis la plaine, assaillant un convoi étiré le long de la route. Ce dernier tentait une résistance inutile, une centaine de soldats et d'homme en armes déployés autour des voitures tendues de soie, mourant par dizaines sous la pluie de flèche déchaînée par les pillards montés.
“Barbares... murmura le jeune général avec dégoût.
- Oui, Archegetes, répondit placidement l'officier grisonnant. Des Avars. Principalement de la cavalerie légère armés d'arcs, et un fort contigent de lanciers de cavalerie lourde.”
Kalokyros haussa un sourcil perplexe.
“Comment se fait-il qu'un si grand Empereur, vainqueur des Perses, des Vandales et des Goths, puisse accepter que sa propre contrée natale soit ainsi mise à feu et à sang par ces misérables païens ?
- La nécessité, comme vous le savez, monseigneur. Le front oriental requiert l'essentiel de nos armées, et quant à l'Italie...
- Nous en revenons, Pertonas. Je sais.”
Et nous y reviendrons...
“Si je puis me permettre, seigneur...
- Parle.
- N'attaquons pas. Nous avons perdus trop de Bucellaires en Italie pour risquer d'en perdre à nouveaux face à un ennemi deux fois supérieur en nombre. Votre père n'apprécierais pas que vous dilapidiez ainsi ses précieuses ressources. Sans compter que... pour notre retour en Italie...”
L'Archegetes esquissa un sourire amusé.
“Certes, je me fie plus à ton jugement qu'au miens en matière de tactique. Cependant, ton œil exercé a manqué quelque chose, Pertonas. Au delà du nombre d'ennemi et de son armement...
- J'entend bien, Dieu est avec nous... Cependant...
- Dieu ne nous aideras que si nous nous aidons nous mêmes, répliqua Kalokyros avec ferveur. Non, observe simplement la voiture du centre, au milieu du convoi.”
Pendant ce temps, la force impériale avait presque achevé son mouvement. Les hommes se préparaient à l'éventualité d'un combat avec la calme caractéristique des soldats d'élites. En bas, les pillards avaient commencés à redéployer leur troupes, méfiant vis à vis de la nouvelle force armée qui se tenait à présent sur les hauteurs.
Grossière erreur. Ils s'écartent des chariots et des arbres qui auraient pu freiner notre charge.“La voiture est couverte d'un tissus blanc et rouge ? hasarda Pertonas, visiblement perplexe.
- Exactement. Frappés d'un monogramme tissé. Le possesseur de cette litière appartient à la famille d'un sénateur. Ce qui signifie que le sauver ferra de nous les héros de la Cité de Constantin. Et les héros ont une grande influence politique.”
Le vieil officier afficha un regard amusé.
“Ah... Là ou la politique intervient, ma science tactique s'arrête.”
Kalokyros éclata de rire en abaissant sa visière.
Pertonas tira à lui sa longue épée. Faisant volter son cheval de bataille avec l'aisance du vétéran qu'il était, il brandit sa lame face aux bucellaires et beugla de sa voix de stentor :
“Pour le Seigneur Jésus-christ ! Pour Justinien le Grand ! Pour la maison Arkantôs !
Chargez !”
L'Archegetes se saisit de sa longue kontaria de bois sculptée. D'un seul coup, un hymne de guerre sacré emplit la vallée, tandis que les cavaliers lourds aux armures ouvragés s'ébranlaient lentement, amorcant la descente de la pente au petit trots.
Une terrible appréhension dévorait le cœur du jeune général. Il regrettait à présent sa décision hâtive, persuadé d'avoir agit trop vite. Trop imprudemment.
Son esprit rationnel le rassura. Ce n'était que la peur de la bataille. Il avait mis du temps à la surmonter, afin d'être capable de mener lui-même sa redoutable armée personnelle au combat. Un net avantage, à même de renverser une bataille...
Ou de sauver une défaite.En bas, les Avars, pris au dépourvu, avait accélérés leur redéploiement. Certains contingent avaient eu le temps de se replacer en position de charge, d'autres non. Certains barbares, pris de terreurs, tiraient quelques flèches inutiles dans la contre-pente, réalisant que le temps leur manquait pour échapper à la ligne de fer des bucellaires de la maison Arkantôs.
“Adiuta bucarellii !”
“DEUS !”
Les impériaux accélérèrent, relâchant progressivement la puissance de leur montures de combats. Bientôt, le tonnerre des sabots ne permit plus la transmission des ordres, et les romains s'en remirent à la grâce de dieu.
Un frisson de terreur parcourue l'échine de Kalokyros. Les premières unités Avars avaient fait volte face dans une tentative désespéré de contre-charge. Ces archers de cavalerie légère furent balayés en un instant par la vague impériale. L'Archegetes, en première ligne, vit l'un de ces barbares se précipiter vers lui. Sans réfléchir, le jeune homme visa le cou, comme le lui avait appris Pertonas, afin de pouvoir dégager sa lance avec facilité. La pique de 4 mètre arracha la gorge du cavalier ennemi, tandis qu'un des bucellaire tuait le cheval des steppes pour libérer la voie de son maître. Ce dernier, perplexe, observait le sang ruisseler le long de la hampe de son arme.
Nullement ralentie par ces premiers accrochages, les guerriers du très saint Trône de Constantin poursuivirent leur avancé à travers la plaine. De petits groupes de barbares s'opposaient parfois à leur avancés, mais étaient à chaque fois balayés par la terrible puissance de la cavalerie romaine en charge.
Cependant, à l'autre bout de la plaine, l'essentiel des forces de lanciers en armure Avars s'était ralliés, et se lançaient à présent dans une charge autrement plus menacante. Déglutissant avec difficulté, Kalokyros brandit sa lance au dessus de sa tête et pressa son cheval, entraînant les bucellaires à sa suite.
Un beuglement de triomphe jaillit des 500 voix des guerriers romains. Les psaumes sacrés reprirent avec ferveur, leur chant dissonant dominant jusqu'au tonnerre des sabots. Kalokyros frissona. Même au coeur des combats les plus sanglants en Italie, il n'avait jamais participé en personne à un tel combat de cavalerie lourde. Il était facile de traiter les Avars comme les sauvages puants qu'ils étaient, mais leurs légendaires talents martiaux n'en demeuraient pas moins renommés de la mythique Qin de l'orient lointain au grand océan de l'ouest.
Les braillements guerriers des Avars s'élevèrent a leur tour, alors que les montures des plaines déversaient toute leur puissance dans une course effrénée. Sans les hymnes de guerre romains, l'Archegetes se serait sûrement mit à brailler de terreur. Sans le vouloir, il joignit sa voie à celle de ses hommes, déversant son trop plein de rage et de peur dans un cantique hurlant et une prière silencieuse.
Il vit le soleil briller sur les armures ennemies. Il vit le sang sur leurs lances. Il vit le blanc de leurs yeux.
Il ne pouvait pas mourir. Dieu lui avait tracé une voie, et Il ne permettrait pas sa mort. Non, il ne mourait pas, pas avant d'avoir embrassé son destin. La mort...
Une onde sonique terrifiante s'étendit à toute la vallée lorsque les deux lignes de fer se percutèrent. La lance de Kalokyros, plus longue que celle de son vis à vis barbare, perfora l'armure du guerrier ennemi, mettant brutalement fin à son existence sur terre. La kontaria de frêne se brisa en morceau, laissant l'Archegetes désarmé. Comme à l'entraînement, il porta sa main à son coté, cherchant un nouvel instrument guerrier.
Masse ou épée ?Une seconde d'hésitation suffit. Un grand guerrier Avars profita de la garde baissée du seigneur romain pour tenter de l'empaler de sa lourde pique de guerre. Au dernier moment, un bucellaire para le coup à la place de son maître, se découvrant ainsi à son tour. Une épée barbare lui trancha la tête, et le cavalier impérial passa à trépas.
« Noooooon ! hurla le jeune général d'une voix déséspéré. »
Sa main gantelée arracha la lourde masse d'acier de son harnois de cuir. Il frappa aussitôt, réduisant le bras de l'Avars à une masse informe de chair et de métal. Son chant de louange s'était mué en un cri de terreur et de courage, de mort et de vie, de haine et d'amour.
Les lames de la tête de métal frappèrent encore et encore, sifflant dans l'air torride de l'hiver thrace. Le sang et la cervelle éclaboussait les atours de l'Archegetes, le fracas des armes et le hurlement des blessés emplissaient son esprit. Et il rendait coup sur coup, préservant la flamme glaciale de sa vie en éteignant celle des autres.
Et ces hommes qui luttaient ses côtés, il les ovationnait. Ses protecteurs. Ses chevaliers.
Lorsque le porte-icône s'effondra, blessé à mort, ce fut Kalokyros qui s'empara de l'image sainte. Il la brandit vers les cieux, au-dessus de la misère du massacre et de la puanteur du sang.
Puis, brutalement, ce fut fini. Les cavaliers ennemis, manifestement surpassés par les capacités des soldats de l'empereur, prirent la fuite. Ce n'était cependant pas une déroute totale, mais le repli stratégique d'un commandant réaliste. La ligne barbare n'avait pas été percée, et les pertes lourdes des deux côtés.
« Devons-nous poursuivre l'ennemi, général ? haleta Pertonas, qui s'était rapproché.
- Je... Euh... Non, c'est inutile. Garder l'essentiel des hommes avec vous et couvrez le ciel d'une pluie de flèche. Je rejoins le convoi avec ma maison et la 1ère centurie.
- Très bien, mon prince. »
Kalokyros ressembla ses esprits et souffla un grand coup. Avisant un bucellaire couvert de sang, il lui tendit l'icône sacrée.
« Tiens, soldat. En récompense de ta bravoure, la Sainte Vierge t'accorde de porter son image au combat. »
Le guerrier ahuri attrapa machinalement la hampe de l'étendard. Un instant plus tard, il mettait un genoux à terre, les larmes aux yeux, les mains tremblantes.
« Me.. Merci, noble Archegetes. »
Puis ce fut un hurlement triomphant qui fit trembler la consistance même de l'air ambiant, éructé par 300 gorges de vétérans soulagés d'êtres encore en vie.
« Gloire aux Arkantôs ! »
Un petit sourire en coin apparu au lèvres fatigués de Kalokyros. Il fit faire volte face à son cheval sous le tonnerre des vivats, et pris le chemin du convoi, accompagné d'une cinquantaines de cavaliers couverts de sangs.
Les rescapés de l'attaque initiale s'étaient avancés à la rencontre de leurs sauveurs. Soldats et serviteurs mêlés s'agenouillèrent sans un mot à leur arrivé, formant une véritable haie d'honneur. Kalokyros mit pied à terre, et les bénis d'un signe de croix avant de s'avancer vers la litière rouge et blanche. Une jeune femme au visage décomposé en émergea lentement, craintive.
« Voici venir l'Archegetes Kalokyros Arkantôs, Duc de Vénétie, Général de l'armée du Pô, fils du Sénateur Ennos Arkantôs ! annonça un bucellaire d'une voix cinglante. »
La demoiselle jeta un regard à son sauveur. L'expression de son regard n'était pas à proprement parler du dégoût, mais une sorte d'horreur mêlée de crainte et de surprise. C'est alors que Kalokyros prit conscience de son apparence repoussante. Son armure d'écaille était recouverte de plaques de fluides corporels séchés, ses longs cheveux et sa barbe dégoulinant de sang. Il aperçu qu'il avait été blessé au bras, et que le sang à demi coagulé formait une grosse tache pourpre sur son haubert de mailles dorés. Son manteau écarlate de général était en lambeau. A cet instant, il tenait plus du barbare sans pitié que du glorieux commandant romain.
« Je tient à m'excuser pour ma tenue débraillée, madame. Malheureusement, le sacrifice de sang est nécessaire à la survie de l'empire. Puis-je apprendre votre nom ? »
Une servante hésitante balbutia d'une voix tremblante :
« Vous...Vous êtes en présence d'Eudoxie Eugenestas, fille de Julius Eugenestas, Sénateur et Logothète. »
La fille du responsable des finances impériales ! Un grand sourire apparut sur les lèvres fines de l'Archegetes. Avec un tel soutient, les Goths seraient pulvérisés, c'était une certitude. Il pourrait même peut-être prendre le commandement de toute l'armée d'Italie... Et après cela, l’Exarchat n'était plus loin. Et pourquoi pas, après tout... la reconstitution de l'Empire d'Occident, avec, à sa tête...
Kaokyros se reprit. Il aurait tout le temps de penser à cela en chemin.
« Je suis charmé, ma dame. Mes soigneurs vont s'occuper de vos gens, et mon prêtre de ceux qui sont tombés. A présent, je dois m'occuper des préparatifs de départs. Nous vous escorterons jusqu'à la Ville Gardée de Dieu. »
Le jeune homme allait faire volte-face, lorsque une étrange pensée pénétra son esprit. La jeune Eudoxie était réputée à la cour pour sa grande beauté, à ce qu'il avait ouïe dire. Il lui rejeta un regard, cette fois perplexe. Oui... Effectivement, c'était bien possible. Elle devait être belle.
Son esprit fonctionna à toute vitesse. Une jolie épouse était souvent considéré comme un atout sur le plan politique. De plus, avoir pour beau-père le contrôleur des finances... Oui, une union formelle pouvait être intéressante.
Mais, quoi qu'il en soit, peu importait pour le moment.
L'Archegetes tourna la tête et contempla l'horizon lointain. La Cité des Empereurs l'attendait.
A nous deux, Constantinople...