[Récit] Aquilaphobie

Voici un court texte d'ambiance inspiré par un fait d'armes récent :

Aquilaphobie

Un sourire vicieux illuminait le sorcier de Tzeentch. C’est trop facile, pensait-il. Dire que ces misérables elfes se prennent pour les maîtres de la magie ! Alors que toute magie passe par mon maître à moi… Dès le début de la bataille, il avait frappé un grand coup en calcinant d’un seul geste tout un régiment de Heaumes d’Argent. Et quelques instants plus tard, il avait fait encore plus fort en déformant horriblement dans des flammes multicolores tout un escadron de fameux Princes Dragons de Caledor, réduisant du même coup le flanc droit de l’ost elfique à un seul et unique volatile – une poussière aux yeux du sorcier. Déjà son attention se tournait vers le cœur de l’armée adverse, les Maîtres des Épées de Hoeth et leur prétendu « Maître du Savoir », lorsque des exclamations de ses gardes du corps vinrent briser sa concentration. Il regarda sur sa droite, et constata avec surprise que le grand aigle qu’il avait dédaigné venait de plonger sur le flanc de son escorte dans un tourbillon de plumes. Sans doute une tentative désespérée pour le maintenir loin des vrais combats le plus longtemps possible… Le geste était noble, mais vain. Alors qu’il bousculait les maraudeurs pour en finir lui-même au plus vite, l’air autour de lui sembla s’épaissir tout à coup tandis qu’un nuage noir enveloppait les suppôts de l’Architecte du Changement. C’était l’effet du vent d’Ulgu, sans aucun doute possible : le général elfe venait de fournir à son allié toute l’assistance qu’il pouvait lui offrir. Comme si cela allait changer quoi que ce soit !

… Quelques minutes plus tard, le sorcier courait, hurlant à ses gardes de s’arrêter et de faire face. Que s’était-il passé ? Quelle peur panique s’était-elle emparée de ces guerriers pourtant aguerris ? Leur adversaire n’était pourtant qu’un aigle, un seul et malheureux aigle ! C’était impossible, impensable…
Deux serres s’enfoncèrent profondément dans ses épaules, là où son armure du Chaos était la plus faible, et il se sentit soulevé, emporté dans les airs. Impossible, pensait-il toujours, impossible.
Ce ne fut que lorsque l’aigle le lâcha, à plusieurs kilomètres d’altitude, que le sorcier hurla une question, comme une ultime prière à son dieu tutélaire : Pourquoi ?!
Tzeentch lui-même, dans un élan de compassion, voulut-il assouvir la curiosité de ce mortel qui l’avait, somme toute, plutôt bien servi ? Toujours est-il qu’un mot, puis plusieurs prirent forme dans son esprit. Aquilaphobie. La peur des aigles. Improbable, certes. Impensable, sans doute. Mais impossible ? Sache que rien ne l’est, pauvre pantin.
Ce fut la dernière chose qui lui passa par la tête – avant qu’elle n’éclate sur le sol et que sa cervelle, dont il était si fier, ne se répande sur le champ de bataille.

Spoiler:

Et la suite :

Aquilaphobie, 2e partie

Pour la deuxième fois de cette longue journée, les forces du Chaos se retrouvaient face aux armées d’Ulthuan. Le premier affrontement avait tourné au désastre pour les puissances de la Ruine, mais un certain sorcier s’était juré que cette fois-ci, il en irait autrement. Le soleil n’avait pas atteint le zénith quand son jeune frère avait trouvé la mort, une mort honteuse… mais s’il était arrivé trop tard pour le sauver, au moins pourrait-il le venger ! Impatient, ivre de colère, il psalmodia une incantation les yeux mi-clos, rassemblant toute la puissance des vents de magie avant de la relâcher d’un coup en hurlant « PAR LES FLAMMES BLEUES DE TZEENTCH !!! ». Le résultat fut dévastateur : un régiment entier de Heaumes d’Argent périt instantanément, les organes horriblement déformés. Comme mon frère, je suis le fléau de la cavalerie elfique, se dit le sorcier avec orgueil. Ce qui était vrai. Mais ce qui l’était tout autant, c’était la fin tout aussi précoce et ridicule à laquelle il était voué : le retour d’énergie néfaste fut tel qu’il lui fut impossible de le dissiper, de sorte qu’une explosion gigantesque tua, sonna ou blessa grièvement la totalité des maraudeurs qui l’escortaient – et lui avec. Cependant le pire restait à venir : juste au-dessus de sa tête, l’énergie mystique mal canalisée avait ouvert une brèche entre les dimensions… Il se sentit comme soulevé du sol et irrésistiblement attiré vers l’Autre Monde, vers le Royaume du Chaos. En fin de compte, il aurait occis deux fois moins d’elfes que son cadet, et avait survécu deux fois moins longtemps. Mais au moins ne finissait-il pas comme lui tué par un vulgaire piaf. C’était une consolation, en quelque sorte.

Déjà il pouvait deviner les contours d’un des monstres sans nom qui guettaient son arrivée avec impatience : un bec épais et crochu, une paire d’ailes… un Duc du Changement serait-il venu l’accueillir sur ordre de Tzeentch ? Mais à chaque instant la vision se faisait plus nette : des yeux volumineux à l’iris brun-roux, un plumage de la même couleur tendant vers le fauve… Le sorcier comprit enfin, et un hurlement de pure terreur jaillit de sa gorge tandis que les serres d’un grand aigle démoniaque l’attiraient dans la dimension infernale vers une éternité de tourments et d’humiliations.


***

Pour la petite histoire, les deux parties ont eu lieu la même journée, et la première était une attaque à l'aube, ce qui tombe plutôt bien pour le récit! Je n'ai rien inventé (sauf l'apparence du démon qui accueille le deuxième sorcier  ) : un seul aigle a bien démoralisé et rattrapé une dizaine de maraudeurs escortant un seigneur sorcier de Tzeentch, se rentabilisant donc plus de dix fois en un coup, et lors de la seconde partie (qui fut, elle, remportée par le Chaos), le frère du premier sorcier a pris une douche dans la cascade dimensionnelle au tour 1 (c'est mon adversaire qui avait changé de figurine et décrété qu'il s'agissait du frère du premier, venu le venger)! Inutile de dire qu'on a bien rigolé, mon pote et moi!

Et dire que j'ai complétement oublié de poster ici.

Alors que dire, les deux récits sont assez plaisant à lire et les fins sont toutes les deux bien trouvée.
Par contre, j'aurais une petite remarque à formuler concernant le second récit, j'ai du mal à imaginer un sorcier crier comme un posséder par les flammes bleue de Tzeenth. Cela me fait tout de même penser à ces manga ou les personnages crient le nom de leurs techniques à chaque fois qu'il les utilisent.

Content que ça te plaise! Ta remarque à propos du second sorcier est tout à fait juste... en fait, c'est même l'effet voulu. Le premier texte se voulait plutôt sérieux ; le second, écrit dans la foulée, n'est là que pour enfoncer le clou, et comme j'étais moins inspiré, j'ai préféré verser dans la caricature (solution de facilité). Mais l'intention n'est apparemment pas assez claire. (Il me fait marrer, moi, ce Grand Aigle Démoniaque!  )

Super récits, très vivants je trouve. La toute fin est originale, mais ce qui me plait le plus c'est de voir que ceux qui critiquent les premiers-nés connaissent toujours une fin rapide  

Merci pour ton commentaire, Valerian, content que ça t'ait plu!

Citation :

La toute fin est originale

Ce qui est amusant, c'est que j'ai commencé les deux textes sans savoir comment j'allais les finir. C'est à la fois surprenant et agréable, quand une idée complètement inattendue semble jaillir toute seule du stylo.

Citation :

ceux qui critiquent les premiers-nés connaissent toujours une fin rapide

C'est bien normal! Et ça n'a sûrement rien à voir avec le fait que l'auteur est lui-même un "premier-né"...